De la Justice

Peut-on présumer de ce qui est juste, en tant que finalité abstraite, selon la justice en tant que principe moral ?

Pour y répondre, considérons, tout d’abord, l’exemple d’un élève ayant assidument préparé ses examens. Il serait normal, juste et conforme à l’idée de justice que cet élève réussisse. A contrario, l’on pourrait dire que son travail ne serait pas récompensé. Dans cet exemple, finalité abstraite et principe moral se trouvent alignés sur l’idée de rétribution au mérite reposant sur la causalité : en cela qu’à la préparation de l’examen, en tant que cause, est associée une conséquence en vertu d’une relation logique intelligible : la réussite en guise d’idéal commun.

Prenons, à présent, l’exemple d’un doctorant en cursus scientifique habitant dans un lieu où il subirait des nuisances de toutes sortes sans autre recours que celui de déménager pour s’installer ailleurs près de la nature. Notre doctorant, qui peinait à terminer sa thèse auparavant, parvient alors à la finaliser en un temps record tout en proposant un nouveau modèle révolutionnant sa discipline grâce à l’inspiration qu’il puise dans cette nature environnante. Faut-il alors remercier les personnes responsables de ces nuisances premières à l’origine de son déménagement sans lequel notre doctorant ne serait jamais parvenu à un tel résultat ? Car si ce cheminement ne peut certainement pas relever d’un principe moral, il n’en reste pas moins que l’endurance et la lucidité de notre doctorant peuvent mener à qualifier sa réussite comme étant juste ; bien que son parcours puisse susciter un sentiment d’injustice : car nul ne devrait être perturbé pour réussir par principe sans que ceux qui soient en cause ne soient ennuyés.

Autre exemple du même genre : celui d’un entrepreneur individuel dont les efforts consentis dans son travail ne seraient pas récompensés en dépit d’une attitude sincère et de décisions intelligentes. Après une faillite principalement due à une conjoncture non anticipée, cet entrepreneur n’aurait d’autre choix que de se résoudre à changer d’activité, voire à se risquer à ses premières amours littéraires pour être auteur de pièces de théâtre. Et voilà qu’après une première tentative, son œuvre rencontre le succès sur les planches. Son échec passé était-il alors nécessaire à sa réussite à venir ? Plus précisément, l’injustice premièrement suscitée du fait de sa déconvenue, en dépit d’un travail d’entrepreneur sérieux, était-elle juste afin qu’il prît conscience de son véritable talent d’auteur ?

Sur un autre registre, considérons à présent l’exemple au terme duquel un ou plusieurs innocents périraient sans raison acceptable tel qu’il ne puisse en ressortir qu’un sentiment profond d’injustice. En particulier, prenons le cas d’un avion transportant plusieurs passagers de tous âges qui s’écraserait. En cause, une panne due à plusieurs oiseaux s’étant engouffrés dans les moteurs. Nul ne pourrait admettre l’absurde d’une telle situation. Admettons à présent que parmi les passagers, se soit glissé un inventeur qui, s’il avait vécu, aurait créé une machine capable de décimer toute vie sur Terre. La catastrophe de l’exemple pourrait-elle alors être considérée comme juste, bien que suscitant un sentiment d’injustice par principe, au regard du plus grand dessein qu’elle recèle : éviter le pire ?

Enfin, évoquons la justice divine. Le vertueux aurait normalement droit au paradis tandis que le pêcheur serait condamné à l’enfer. Cependant, tout paradis qu’il soit n’en deviendrait pas moins un enfer si cette condition était acquise pour l’éternité sans autre choix qu’un bonheur obligatoire. De même, l’enfer, pourvu qu’il soit éternel, finirait par en devenir injuste, du fait de son caractère irrémissible, bien que possiblement conforme à une certaine idée de justice.  

Il ressort ainsi que si le respect des règles régissant la causalité _ à savoir qu’à chaque cause doive être associée une conséquence en toute logique _ constitue une base essentielle sur laquelle l’idée de mérite se fonde en tant que condition nécessaire et suffisante à ce qui relève de la justice, il n’en reste pas moins que le juste ne saurait être discerné sans rapporter le sacrifice consenti aux effets d’un dessein supérieur que recèle le vrai pour être salutaire.

Or, il ne saurait y avoir de plus grand dessein que celui de comprendre sa propre condition à partir de rien pour honorer ainsi les efforts consentis par la nature pour se connaître par nous. De là, vient que certaines choses deviennent dispensables, et certains sacrifices nécessaires, suscitant de prime abord un sentiment d’injustice, avant de comprendre que cela est juste en dernier lieu.

A l’image de l’histoire de l’évolution, en tant que suite de chapitres de disparition d’espèces, pour parvenir à l’éveil. De sorte que les sacrifices consentis ne soient rendus justes, à postériori, que par l’être doué de conscience ; qui faillirait à son devoir, pour devenir dispensable, s’il ne parvenait à comprendre pourquoi. Tel que la vérité en devienne unanimement impérieuse.

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