De l’Altérité

 De l’Altérité

 

Considérons un individu à 20 ans, 40 ans, 80 ans. Est-il toujours le même ? Non, si bien qu’il puisse même en arriver à se regarder lui-même comme un autre s’il ne s’est pas tout simplement oublié à partir d’un certain moment.

Et cet individu s’attriste-t-il sur celui qu’il était un instant avant, et qui est nécessairement mort du fait de ne plus avoir d’extension spatiale mesurée, en vertu du temps qui passe ? Non, il ne démontre aucune pitié envers lui-même du fait de mourir à chaque instant si ce n’est pour regretter autre chose.

Faisons à présent l’expérience de pensée selon laquelle nous pourrions vivre un million d’années. Etant capables de nous aliéner au cours d’une vie normale, qu’en serait-il alors sur une si longue période ? Nous finirions par nous oublier complétement du fait d’être devenus totalement étrangers envers nous-mêmes.

Si bien qu’aucune différence sensible ne pourrait jamais être mise en évidence entre l’individu du million d’années se regardant lui-même à 100 ans après s’être oublié et deux individus différents d’espérance de vie normale se regardant l’un l’autre à présent.

Il en ressort que l’existence ne soit qu’un processus d’aliénation continu en vertu de notre propre nature du fait qu’il faille annihiler le soi pour devenir incessamment et imperceptiblement quelqu’un d’autre puisque la conscience implique d’être présent à soi pour se connaître.

Il est donc possible d’en conclure que nous soyons un être éternel qui s’oublie perpétuellement du fait qu’il faille toujours être autre chose, si bien que si l’annihilation représente le gage inattendu d’une victoire perpétuelle de la vie sur la mort (cf. article A Partir du Néant), l’altérité finit par devenir ce qui rend possible l’éternité du fait que nous existions toujours à travers un autre sans nous en rendre compte.

Dans ce contexte, le mur de Planck ne représenterait pas une durée à compter d’un instant zéro (impossible en raison de la nature nécessairement substantielle de ce qui est) mais un mur de l’oubli au-delà duquel nous ne parviendrions plus à nous rappeler à nous-mêmes étant devenus, envers nous-mêmes, totalement étrangers in fine.

Et l’espérance de vie serait naturellement limitée du fait qu’il faille précisément que la mort ait un sens pour soi, c’est-à-dire que nous ayons conscience qu’il faille tout annihiler jusqu’à soi avant de devenir quelqu’un d’autre. Car sinon, la mort ne serait pas la sienne, mais celle d’un autre.

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