Ô-dieu

 

Ô-dieu

 

L’univers existe. Or, toute chose existante est sujet du verbe substantif, être, sans lequel rien ne saurait être défini. Etant donné que rien ne saurait émerger du néant sans aboutir à une aporie, alors ce qui est[1] doit nécessairement relever de la substance : être par soi pour jamais n’avoir d’autre cause que soi à l’image de la nature contingente.

 

Ce qui est étant dit, ce qui n’est pas constitue alors la première conséquence logique qu’il soit possible d’abstraire à partir de l’affirmation de l’être. Pour être la première chose abstraite qui fasse l’objet d’une abstraction première[2] à partir de ce qui est, il en résulte que n’être pas ne puisse être dissocié du fait d’abstraire de sorte qu’un rapprochement antithétique, distinct de l’antonymie[3], puisse être fait entre le substantiel et le conceptuel.

 

Par ailleurs, ce qui est étant toujours par soi, alors ce qui n’est pas ne peut cesser de n’être pas en renouvelant invariablement et perpétuellement sa propre conséquence logique édifiant ainsi la causalité. Et, du fait qu’il s’agisse d’associer une conséquence à sa propre cause, en l’absence de concept plus fondamental qu’être, la causalité ne saurait donc correspondre qu’à un processus d’autodétermination formant un cercle imagé en s’accomplissant : le moment intrinsèque.

 

Cependant, et considérant qu’il faille que ce qui n’est pas ne soit pas pour pouvoir être énoncée, la conséquence constitue également une chose nécessairement extrinsèque du fait qu’elle soit située en dehors de l’essence de la négation ; telle une altérité divisible dont l’allégorie ne pourrait que résulter de l’association entre une projection et un antécédent en mesure de radiant à l’issue d’un parcours d’angle : l’onde électromagnétique : la lumière.

 

Or, être conscient revient sensiblement à se connaître. Et, s’il faut ressentir pour vouloir puis penser pour qu’une action puisse en résulter, alors toute chose sensible doit nécessairement avoir une correspondance concrète en aval de l’étant[4]. Dans le cas de la conscience, se connaître sensiblement ne pourrait manifestement avoir pour implication que de pouvoir se voir par écart à l’issue d’un phénomène de distanciation de soi permettant d’être l’observateur de sa propre lumière : l’inflation cosmique[5].

 

Dès lors, quelle connaissance première, en guise d’intuition, l’être doué de conscience pourrait-il avoir de la lumière _ cette entité relevant d’une altérité divisible, du fait qu’elle soit manifestement en dehors de l’essence de la négation, lui intimant le caractère inéluctable de la conséquence[6] autant qu’elle lui permet de se connaître _ sinon naturellement celle du divin ?

 

Pour être fondée sur l’intuition première d’une altérité divisible s’imposant inéluctablement à soi, la doctrine du divin ne saurait donc être dissociée de l’idée de conséquence en toute logique. Il en résulte que le divin doive nécessairement correspondre à une figure sanctionnant l’homme de sorte qu’à chaque action soit indubitablement associé un effet ; ce qui n’est pas sans rappeler le dogme du jugement dernier puisque celui-ci représente nécessairement la promesse du paradis ou la menace de l’enfer en considération de choix passés.

 

Ainsi, la lumière permettrait d’abstraire l’idée d’une entité transcendante, omnisciente et omnipotente du fait qu’elle soit divisible de soi pour dire le vrai avec certitude autant que l’inéluctable. Cependant, la transcendance présuppose d’être en dehors de l’existence. Or, le vrai existe pour être effectivement perçu. Par conséquent, le divin ne saurait, à la fois, relever du vrai et du transcendant.

 

Pour ce qui est de l’omnipotence, celle-ci présuppose que rien n’échappât à la volonté divine. Or, l’homme est censé pouvoir se déterminer librement. Si tel est le cas, alors le libre arbitre doit nécessairement échapper à la volonté divine. Dès lors, dieu ne peut être omnipotent si une chose au moins peut échapper à sa volonté.

 

Dans le cas contraire[7], l’homme ne saurait être blâmé pour ses fautes sans iniquité. L’omnipotence ne pourrait alors être réconciliée avec le divin qu’au prix d’assimiler dieu à une figure inique punissant le fautif pour une faute dont il ne saurait être tenu responsable par définition ; ce qui réduirait ainsi toute idée de miséricorde subséquente à un abus de faiblesse, s’il ne s’agit pas tout simplement d’un blanc-seing à l’erreur lorsque le pardon semble acquis d’avance en contrepartie de certaines bonnes actions convenues capables d’effacer le pêché au mépris de la causalité[8].

 

En outre, les décrets de dieu sont censés être immuables. Dès lors, dieu ne peut faire ce qu’il veut s’il est tenu, pour le moins, par sa propre parole. Dans le cas contraire, dieu ne pourrait, en effet, se maintenir en vérité. Par conséquent, dieu ne peut être omnipotent s’il ne peut se dédire pour demeurer fidèle à lui-même. Dans tous les cas envisagés à ce propos[9], il est à noter que dieu demeure toujours sujet du verbe substantif, être, pour pouvoir être qualifié par attributs[10] faisant ainsi de l’omnipotence divine, l’oxymore d’une chose toujours assujettie à ce qui est[11].

 

Ceci étant, pouvoir tout mène nécessairement à penser le fait de savoir tout de sorte qu’à l’omnipotence vienne en corollaire l’omniscience, cette connaissance de toute chose y compris de ce qui est à venir. Dans pareil cas[12], aucune forme de libre arbitre ne serait possible en considération d’un avenir déjà écrit ; ce qui ne manquerait pas de faire de l’idée de mise à l’épreuve de l’homme par dieu au cours de son existence, une chose totalement vaine dont l’issue serait connue d’avance. Réduit à l’état de pion au libre arbitre illusoire, l’homme n’aurait alors d’autre raison de vivre que celle d’attendre la mort instillant ainsi dans l’espérance du divin, une aspiration mortifère à ses dépens.

 

Par ailleurs, si dieu désigne une entité parfaitement singulière[13] étant par elle-même, alors il ne saurait vouloir autre chose que lui-même (la création) sauf à altérer ou complémenter son état initial. Dans le premier cas, la création serait donc synonyme d’altération du divin. Dans le second cas, dieu ne pourrait être par lui-même si la création lui est nécessaire. Par conséquent, la création n’est possible qu’au prix d’une altération de l’immuable ou d’une remise en cause de la nature substantielle du divin.

 

A l’évidence, il est toujours possible de renoncer à la raison et d’établir que les raisons de dieu seraient décidément inaccessibles à l’homme dont la raison d’être ne serait alors que d’adorer dieu sans compréhension pleine et entière. Mais il faudrait alors considérer que dieu accordât vainement la raison à l’homme si celle-ci doit être à l’origine d’un questionnement logique dont les réponses seraient définitivement hors de sa portée. Une telle assertion mènerait irrémédiablement à considérer que dieu puisse créer une chose en vain ce qui serait contraire à l’idée de juste raison divine.

 

Or, la raison n’est pas vaine si celle-ci permet d’appréhender le divin à partir du réel. Car à la vue d’une nature parfaitement réglée, il est normal d’en induire qu’il y ait, à l’origine, un grand horloger.  Mais à l’induction, doit alors suivre la déduction en vertu des contradictions soulevées par la question de l’origine afin d’aboutir à la vérité.

 

Car il convient d’admettre, tout d’abord, que l’origine s’inscrive nécessairement dans le cadre d’une représentation chronologique de type « passé (antérieur)-présent (à l’instant)-futur (à venir) ». Or, du point de vue d’un rapport causal, le passé est la conséquence de la mesure du présent et le futur antérieur à cette dernière action pour ne pas être encore avéré par celle-ci[14]. Il en résulte donc que la représentation classique de l’axe chronologique soit contraire au principe de causalité[15] régissant la réalité objective. En conséquence, l’origine, dont la correspondance chronologique serait l’instant zéro, est manifestement impossible[16].

 

En outre, la question de l’origine ne saurait s’affranchir de la question du milieu à partir duquel la création serait envisagée. De ce point de vue, le concept du néant primordial a pour mérite d’éviter la considération récursive d’un milieu antécédent. Mais il s’agirait alors de s’accommoder de l’aporie, inhérente au dogme de la création, selon laquelle le néant serait nécessairement un milieu ontologisant concurrençant de surcroît le statut du divin[17].

 

Cependant, la considération de l’origine ne saurait être symétriquement dissociée de celle de la fin. A cet égard, il convient de comprendre qu’un axe chronologique n’est qu’une succession d’événements dont la longueur est une allégorie de la durée considérée. Il est donc théoriquement possible de jalonner un tel axe d’un certain nombre d’événements que l’on pourrait faire tendre vers l’infini. Dès lors, la durée séparant deux événements élémentaires tendrait vers zéro. Que serait-il alors possible de dire du réel au cours de ce laps relevant de l’insécable en l’absence d’événement mesurable ? Sans doute qu’il n’y en ait point ponctuellement faisant de la mort en fin de vie une pure illusion si celle-ci[18] est, en effet, vérifiée entre deux instants successifs relevant du présent à une échelle infinitésimale. La promesse du paradis ou la menace de l’enfer seraient alors caduques sauf à ce que la vie devienne tristement, en considération de tant de chances gâchées, l’unique sanction possible in fine[19].    

 

JD



[1] Puisqu’il faut bien qu’une chose au moins soit pour que puisse en résulter le concept d’être.

 

[2] Dont l’essence soit établie par négation.

 

[3] De sorte que n’être pas ne corresponde pas au non-être dont l’acception se rapporterait davantage au néant.

 

[4] Du fait d’être par soi.

 

[5] Le phénomène par lequel l’univers serait apparu instantanément (en 10^-32 seconde) sans lequel l’être doué de conscience n’aurait pu être au rendez-vous de la lumière de sa propre genèse.

 

[6] Du fait que celle-ci s’impose à la volonté de manière coercitive.

 

[7] Celui d’un libre arbitre factice.

 

[8] Puisqu’il est impossible de rétroagir sur une cause et de défaire ce qui a été fait.

 

[9] De l’omnipotence.

 

[10] Etre miséricordieux ou tout puissant.

 

[11] Une idée d’ailleurs inhérente au dogme de la création puisque dieu ne peut rien créer sans être s’il lui faut dire pour qu’une chose soit qu’elle fût.

 

[12] La considération d’une figure divine omnisciente.

 

[13] Le tout fait d’une partie identique au tout.

 

[14] C’est d’ailleurs le message que recèle l’état superposé qui ne pourrait être observé pour la raison simple qu’il ne relèverait, à ce stade, que d’une potentialité logique conjuguée au futur antérieur pour ne pas être encore avérée par la mesure du vecteur d’état coïncidant quant à elle avec l’instant présent.

 

[15] Qui établit i) qu’à chaque cause soit associée une conséquence en vertu d’une logique invariante ; ii) qu’une conséquence ne puisse rétroagir sur sa cause ; iii) mais aussi et surtout qu’une conséquence soit consécutive à sa cause et qu’une cause soit antérieure à sa conséquence.

 

[16] C’est sans doute le message qu’il faut tirer du mur de Planck (10^-43 seconde) qui ne saurait correspondre à une durée à compter d’un instant zéro parfaitement impossible pour les raisons philosophiques énoncées, mais au laps du rien sans négation « ne » au sens de « quoi que ce soit » entre deux événements élémentaires (dont la durée les séparant relèverait de l’insécable) : l’univers des possibles ou l’espace abstrait duquel la conséquence mesurée est issue : le temps.

 

[17] Puisque ce milieu est nécessairement antérieur à la création.

 

[18] La mort.

 

[19] De sorte que la vie puisse, en effet, devenir l’unique paradis qui puisse être ou la certitude de l’enfer en fonction des choix de l’homme.

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